29Les tensions sur l’accès aux ressources des mers et des océans comme le durcissement touchant les revendications sur les frontières maritimes montrent combien les espaces marins sont devenus importants dans les calculs des États et dans la dynamique des relations internationales contemporaines.
Avec un accent mis sur la connectivité maritime et sur la liberté de navigation, le concept d’Indo-Pacifique est l’illustration la plus récente de l’importance des espaces maritimes au sein des relations internationales. Si, pour certains États, les rivalités de puissances se sont déplacées en mer, pour d’autres, l’horizon au-delà des côtes est devenu une source de croissance et de richesse qu’il faut pouvoir protéger. En effet, au moment où nombre de pays découvrent la valeur de leur « économie bleue », ils en réalisent les fragilités, qu’il s’agisse de l’amenuisement des stocks halieutiques ou de l’impact des dérèglements climatiques sur la santé des océans. Quel que soit l’objectif recherché, la sécurisation des espaces océaniques et une meilleure gouvernance maritime sont à l’ordre du jour.
La « navalisation » des mers, c’est-à-dire l’accent mis par beaucoup d’États sur le développement de marines modernes, est l’expression la plus visible de ces prises de conscience. Dans un contexte de concurrence accrue pour l’accès aux ressources et le contrôle des principales voies de communications maritimes, la Chine a rapidement développé ses capacités navales grâce à un effort de construction sans précédent.
Mais, au-delà des questions de prestige et d’acquisitions de projection de puissance qui sont le propre des marines de guerre, on assiste à la création et à l’essor de flottes de garde-côtes chargées de la police maritime et de la lutte contre la criminalité en mer. En effet, les ressources qui se trouvent sous la surface de l’océan sont de plus en plus menacées de surexploitation. La pêche illégale dévaste les stocks mondiaux déjà réduits et pourrait bientôt constituer une source non négligeable de crise. En mer de Chine méridionale, la concurrence pour les droits de pêche ainsi que pour les réserves de pétrole et de gaz offshore constitue l’un des principaux facteurs de tensions et de conflits.
Le domaine maritime met en évidence les tensions entre la souveraineté nationale et les défis transnationaux, entre les régions littorales de l’océan en tant que zones économiques exclusives et la haute mer en tant que bien commun mondial. Il s’y greffe désormais la question des grands fonds et de leur exploitation.
Au final, on observera que le domaine maritime, si longtemps sous-estimé dans la couverture des affaires internationales, occupe pourtant une place décisive dans la diplomatie bilatérale, régionale et multilatérale. Au moins quatre problématiques majeures liées à l’insécurité maritime se détachent dans la hiérarchie des préoccupations des principaux acteurs et usagers de la mer : la territorialisation des espaces maritimes, la navalisation et les dynamiques globales de réarmement naval, tout comme la persistance de la piraterie et du brigandage maritime en parallèle au développement d’une criminalité bleue transnationale où l’impact du changement climatique sur les océans tient une place grandissante.
La territorialisation des mers
Aussi variées que communes, les tensions portant sur l’accès et l’usage du milieu maritime ont pris une importance croissante dans les stratégies nationales des États. Elles sont à l’origine du développement des principaux outils et acteurs tant civils que militaires de la sécurité en mer. Nationalisme bleu et crispations sur l’exploitation des ressources maritimes — poissons, minéraux, énergies — ont le potentiel de multiplier les zones de tensions, à la faveur de revendications abusives et d’expansions territoriales non fondées en droit.